Elle avait tenté de se suicider au commissariat en 2017. Désormais, l’affaire est dans les mains de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Le patron de la brigade de la sûreté urbaine est visé par des accusations de harcèlement moral. Le 11 mars dernier, une policière a déposé plainte auprès de la gendarmerie de Nouzonville, qui s’est dessaisie au profit de l’IGPN. Le commandant Xavier Orfiniak est le numéro 3 du commissariat de Charleville-Mézières. Sous sa responsabilité, les policiers chargés du judiciaire et de la police scientifique.
“La seule chose que je peux dire, c’est qu’à l’heure où je vous parle, j’exerce toujours mes fonctions” Le commandant Xavier Orfiniak
La jeune femme évoque « des humiliations, des reproches quasi quotidiennes sur (son) travail, dans (sa) notation » dès sa prise de service, avenue Jean-Jaurès, en 2013.
« Il m’a reproché un manque d’implication, de mal tenir mes dossiers, tout était prétexte. Sauf que je n’ai jamais eu une seule sanction, un seul avertissement dans mon dossier, rien, témoigne la jeune femme qui tient à rester anonyme (et que nous appellerons Lucie)
Ça se faisait en tête à tête souvent, sans témoin. » Décrivant « une descente aux enfers » s’échelonnant jusqu’en 2017 – « la boule au ventre en allant au travail », « devoir aller aux toilettes pour pleurer ou vomir », « des crises d’angoisse » et même une fausse couche qu’elle impute à l’état psychologique dans lequel elle se serait trouvée –, elle dit s’en être ouverte au médecin du travail, à la psychologue et surtout à la direction départementale de la sécurité publique. De guerre lasse et après des arrêts maladies, elle a demandé à être mutée.
Refusée par « manque d’effectifs à Charleville, ce qui est faux ». C’est d’ailleurs après un nouvel avis négatif formulé oralement par le directeur départemental qu’elle a tenté de suicider en se pendant dans les locaux du commissariat. C’était le 6 décembre 2017. Depuis, elle est en arrêt maladie pour dépression.
“Un management brutal” et d’autres cas selon un syndicat
Mis en cause mais présumé innocent, l’officier, par ailleurs représentant syndical de Synergie officiers, a refusé de s’exprimer : « La seule chose que je peux dire, c’est qu’à l’heure où je vous parle, j’exerce toujours mes fonctions. On ne peut pas empêcher les gens de saisir toutes les voies de recours qui existent. » Refusant de revenir sur l’affaire, les quelques collègues qui ont accepté de témoigner dépeignent un homme « d’expérience », « maîtrisant la procédure », « très sûr de lui et de ses méthodes ».
« Cette plainte doit éviter qu’il y ait d’autres victimes, car il y en a eu par le passé », prévient Cyril Baudesson, secrétaire régional Alternative police CFDT. Épaulant la jeune femme depuis 2017, le syndicat minoritaire met en cause la direction : « Nous avons dû intervenir pour déplacer une collègue qui a eu à subir les mêmes agissements. Il y a des collègues en arrêt […] Le directeur lui-même, lors d’une de nos réunions, a reconnu, je cite, “un management brutal” de la part de cet officier. On ne veut pas sa tête […] mais ne rien faire, c’est une forme de complicité. »
Et de dénoncer que l’enquête menée sur la tentative de suicide soit réalisée par des agents de police de Charleville-Mézières. « Le DDSP minimise, parle presque de chantage. Ils mettent en avant des motifs personnels. Or, tout va bien pour (Lucie). »
Après avoir lâché que « c’est du réchauffé », le directeur départemental, le commissaire Philippe Miziniak, déclare ne pas vouloir s’exprimer. Nous n’avons pas pu entrer en contact avec le parquet.