La vidéosurveillance en garde à vue n’est désormais possible que « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser » que la personne retenue « pourrait tenter de s’évader ou représenter une menace », prévoit une disposition entrée en vigueur le 1er octobre. « À défaut de vidéosurveillance, […] un renforcement de la surveillance physique » sera nécessaire, prévient le DGPN dans un document consulté par AEF info.
L’emploi de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue et de retenue douanière est encadré depuis ce mardi 1er octobre 2024. Un arrêté publié le 29 septembre fait entrer en vigueur un décret de décembre dernier pris en application de la loi de 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
L’activation de caméras de vidéosurveillance n’est désormais possible que « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que [la personne privée de liberté] pourrait tenter de s’évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui », prévoit l’article L. 256-2 du code de la sécurité intérieure, créé par cette loi.
Elle est décidée par « le chef du service responsable de la sécurité des lieux concernés ou son représentant », lequel doit informer « l’autorité judiciaire compétente », qui « peut y mettre fin à tout moment ». Au-delà de 24 heures, la vidéosurveillance ne peut être prolongée « qu’avec l’autorisation de l’autorité judiciaire ».
Une « durée strictement nécessaire au regard du comportement »
Les policiers devront donc pouvoir justifier de cette mesure, prise « pour une durée strictement nécessaire au regard du comportement de la personne concernée ». Ils doivent en informer la personne concernée, qui peut « à tout moment demander à l’autorité judiciaire compétente qu’il soit mis fin à la mesure ». Un médecin doit être consulté quand l’individu est un mineur ou bénéficie d’une protection juridique. Un « pare-vue » doit être fixé dans les cellules comportant des sanitaires pour garantir « l’intimité de la personne tout en permettant la restitution d’images opacifiées ».
Les séquences vidéo – aucune captation de son n’est effectuée – peuvent être consultées en temps réel. Elles sont conservées pendant 48 heures « à compter de la fin de la garde à vue ou de la retenue douanière ». Une durée portée à « sept jours à compter du lendemain » de la privation de liberté si l’individu demande la conservation des enregistrements. Les données peuvent être conservées plus longuement pour les besoins "d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire ».
L’étude d’impact de la loi de 2022 indiquait que la « grande majorité » des « près de 3000 locaux de garde à vue » de la police nationale « pourraient […] être équipés d’un système de vidéosurveillance », tandis que la gendarmerie, qui détenait « 6500 cellules », viserait un « déploiement […] sur un périmètre réduit ». Contacté mardi 1er octobre, le ministère de l’Intérieur n’a pas encore indiqué comment il comptait mettre en œuvre ce nouveau cadre juridique.
Un « Renforcement de la surveillance physique » à prévoir
Dans un télégramme de Frédéric Veaux envoyé aux policiers le 27 septembre, soit deux jours avant son départ en retraite, le désormais ex-DGPN explique que, « dans l’hypothèse où les cellules de garde à vue ne seraient pas équipées conformément aux modalités prévues par les textes, aucun système fixe de captation d’image ne peut être mis en œuvre ». Dans ce document consulté par AEF info, il précise aussi que la mesure est individuelle : elle « interdit qu’une personne qui n 'est pas vidéosurveillée soit placée dans la même cellule qu’une personne placée sous vidéosurveillance ».
« À défaut de vidéosurveillance, la sécurité des agents, des personnes retenues et la prévention du risque d’évasion nécessitera un renforcement de la surveillance physique par les personnels dédiés à cette mission », demande également Frédéric Veaux. « Le port de la caméra-piéton est obligatoire dans les zones de sûreté et son déclenchement interviendra lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident », ajoute-t-il.
Ce télégramme précise que le placement sous vidéosurveillance « est une mesure administrative décorrélée de la procédure judiciaire », donc que la notification de cet acte « et les différents avis mentionnés à l’article L. 256-1 du CSI ne font pas l’objet de procès-verbaux et n’ont pas à être intégrés dans la procédure ».
Des « Dispositions incompatibles avec la réalité du terrain »
L’application de ces nouvelles règles déclenche l’ire de la plupart des syndicats de police, qui y voient des contraintes procédurales supplémentaires et donc une charge de travail alourdie […] alors que le Premier ministre a lui-même évoqué dans son politique générale sur la simplification des procédures et la nécessité d’augmenter les taux de présence sur la voie publique.
« La fin de la surveillance constante » représente « un risque pour les détenus et les policiers » et « un coût considérable en effectifs pour mettre en place des rondes régulières », ce qui « se fera au détriment des missions de sécurité publique », soutient également Alternative police (CFDT), lundi 30 septembre.
« Toujours plus de contraintes. Toujours plus de normes européennes… Toujours moins de policiers sur la voie publique », réagit de son côté le SCSI (CFDT) le 1er octobre.