À neuf mois des Jeux Olympiques de Paris, les policiers, qui auraient dû souffler à l'issue de la Coupe du monde de rugby, doivent faire face à la menace terroriste.
Il y a eu les attentats terroristes de 2015, les six mois de manifestations contre la loi Travail dite El Khomri, l'Euro 2016, les dizaines et dizaines de week-ends de mobilisation des gilets jaunes, les deux réformes des retraites, version 2019 et 2023, et les émeutes de cet été, consécutives à la mort du jeune Nahel. Depuis plusieurs années, c'est un véritable tunnel sécuritaire auquel ont dû faire face les forces de l'ordre.
Pour ne rien arranger, ces dernières semaines, policiers et gendarmes ont jonglé entre la Coupe du monde de rugby, la visite du roi Charles III et la venue du pape François à Marseille. Si les forces de l'ordre s'attendaient à souffler un peu une fois la compétition terminée, la situation risque plutôt de s'inverser. Car au lendemain de l'attaque terroriste dans un lycée d'Arras (Pas-de-Calais), la France a été placée en « urgence attentat », le plus haut niveau d'alerte du plan Vigipirate.
Une soupape après le Mondial de rugby
D'autant qu'au milieu de cette succession d'évènements, les missions traditionnelles des forces de l'ordre ne se sont pas arrêtées pour autant. Mais c'est sans aucun doute la semaine du 18 au 24 septembre que la mobilisation des forces de l'ordre a atteint son apogée. Pour sécuriser le mondial de rugby et les déplacements de Charles III et du pape François, 30 000 agents ont été mobilisés au plus fort 60 000 en cumulé. Et pour permettre ce déploiement massif, le ministère de l'Intérieur, Gérald Darmanin avait demandé la suppression « de toutes les formations reportables » et le rappel « des effectifs au repos ».
Pourtant, la semaine du 9 octobre, policiers et gendarmes auraient dû commencer à souffler un peu. Pour assurer la sécurité de la Coupe du monde de rugby, le taux avait été relevé à 80%.
« Un long tunnel sécuritaire » jusqu'aux JO ?
Mais c'était sans compter l'attentat d'Arras, le contexte terroriste et le rehaussement du plan Vigipirate. « On pensait pouvoir souffler, mais là, on repart pour un tour », estime Denis Jacob, secrétaire général du syndicat Alternative Police CFDT, auprès de BMFTV.com. Pour assister policiers et gendarmes dans leur tâche, le gouvernement a d'ores et déjà annoncé le déploiement de 7.000 soldats de la force Sentinelle, ainsi que 4.000 militaires supplémentaires.
D'autant que ces derniers jours, policiers et gendarmes doivent faire face à un autre type de menace. Depuis l'attaque d'Arras, des dizaines d'aéroports, d'établissements scolaires et de lieux rassemblant du public, comme le château de Versailles ou le Louvre, ont dû être évacués en raison d'alertes à la bombe. Même si elles sont infondées dans la majorité des cas, elles nécessitent à chaque fois l'intervention des forces de l'ordre, et notamment des équipes de déminage.
Interrogé ce jeudi soir sur BFMTV, sur la possibilité de renoncer à la cérémonie des JO de Paris 2024 en plein air en raison de la menace terroriste, Gérald Darmanin a estimé que « ça serait la victoire des terroristes de ne plus vivre ». « Et il ne faut pas oublier que pendant la compétition, les missions quotidiennes ne vont pas disparaître », enchaîne Denis Jacob, qui ajoute que les forces de l'ordre ne pourront pas prendre de congés en juillet et en août.
Des risques psychosociaux
Mais en plus du surépuisement physique, les syndicats alertent également sur les conséquences psychologiques pour les forces de l'ordre. « On ne peut pas minimiser les risques psychosociaux, notamment les burn-out et les dépressions. Il y a un surépuisement moral », s'inquiète Denis Jacob. Et cette surmobilisation joue aussi sur le milieu familial.
Sur les seules trois dernières semaines, trois policiers ont mis fin à leurs jours. Et le contexte terroriste n'aide pas. « On fait partie des cibles privilégiées des terroristes, comme les professeurs. La semaine dernière, c'était un enseignant, demain, ça peut être un policier qui sera visé », déplore Denis Jacob.
Denis Jacob, lui, alerte sur « le risque d'un trou dans la raquette en matière de sécurité ». « Le boulot sera toujours fait, mais on n'est pas à l'abri que quelque chose passe entre les mailles du filet », s'inquiète le secrétaire général du syndicat Alternative Police CFDT.
Et, comme dans n'importe quelle profession, avec l'épuisement viennent les erreurs, voire les dérapages. […]. « On espère qu'il y aura un temps de répit suffisamment important d'ici les JO pour qu'on puisse se souffler un peu », conclut Denis Jacob.