12 sept 2018
SOUPÇON DE FAVORITISME - Pour la première fois, des policiers déposent une action de groupe ce mercredi devant le tribunal administratif de Paris. Ils estiment avoir été lésés dans leurs demandes de mutations à cause de leur appartenance à un syndicat. Ils dénoncent une discrimination au sein même du ministère de l'Intérieur.
C'est une première dans le droit français. 80 policiers déposent ce mercredi une action de groupe contre le ministère de l'Intérieur pour dénoncer des discriminations syndicales présumées au sein de la police nationale. Plus précisément, ces derniers s'élèvent contre ce qu'ils présentent comme des pratiques de favoritisme dans le processus d'avancement et de mutation des agents au profit des adhérents de syndicats mieux représentés dans l'administration publique.
C'est le cas d'Eric pour qui chaque année, au mois de juin, les résultats tombent : négatif. "L'année dernière, j'ai remarqué qu'il y avait un nombre de personnes qui étaient passées devant moi sur les postes que j'avais choisis", explique à LCI Eric, gardien de la paix à Paris, qui demande sa mutation depuis douze ans pour se rapprocher de sa famille, dans le sud-ouest. "Il y a une espèce de culture du secret où on est obligé de se renseigner un peu entre nous", regrette le fonctionnaire.
Or, selon le médiateur de la police nationale, Pierre-Edouard Colliex, la pratique qui consiste à promouvoir ou à muter
les agents "sur le seul fondement" d'un soutien d'organisations syndicales ou bien d'autorités administratives ou politiques et "non sur le fondement de critères objectifs et transparents (...) continue à produire des effets néfastes" dans l'administration. Ce dernier avait notamment dénoncé dans son dernier rapport annuel un système de gestion des carrières "encore trop bureaucratique et anonyme".
"Le syndicalisme dans la police nationale est très atypique"
Soutenus par Alternative Police, un syndicat minoritaire, les policiers qui s'estiment lésés comme Eric, espèrent obtenir des indemnisations, en pleine campagne des élections professionnelles prévues en décembre prochain. "Il n'est pas juste qu'un policier attende dix ans et se voit passer devant par des collègues plus jeunes moins bien notés tout ça parce que il y a un soutien d'un certain syndicat", résume à LCI Me Anne-Constance Coll, avocate du syndicat. "Depuis trois ans, Alternative Police CFDT centralise l'ensemble des dossiers relevant de discriminations que cela soit en matière de mutations ou d'avancements mais également en matière de maladie ou d'avancements exceptionnels pour acte de bravoure et de dévouement", peut-on lire dans un communiqué.
"Le syndicalisme dans la police nationale est très atypique, très corporatiste et toutes les décisions sont prises avec l'avis des syndicats de police et ça c’est plus acceptable", estime Denis Jacob d'Alternative Police au micro de LCI. Et ce dernier de poursuivre : "le ministère de l'Intérieur a fait beaucoup d'efforts ces dernières années pour faire un peu plus de transparence mais malheureusement pas suffisamment pour mettre un terme à ces pratiques." Mis en demeure par le syndicat en janvier dernier de mettre un terme aux situations discriminantes, le ministère de l'Intérieur n'a jusque-là pas fait connaître sa réponse.