Alexandre Benalla avait-il reçu une autorisation pour être présent à la manifestation du 1er Mai en tant qu’«observateur» ? Qui lui avait délivré ? Depuis le début de ce qui est devenu l'«affaire Benalla», ce statut, qui n’en est en fait pas vraiment un, est au centre des débats. Quelles règles l’encadrent ? Décryptage.
Qui délivre l’autorisation ?
«Normalement, la demande doit se faire au niveau du cabinet du préfet de police, explique Denis Jacob, secrétaire général du syndicat de police Alternatives CFDT. Il redirige vers la direction concernée, qui rend son avis.»
Il s’agissait dans ce cas de la direction de l’ordre public et de la circulation. Pourtant, Alain Gibelin, directeur du service en question, a assuré devant les parlementaires qu’«Alexandre Benalla ne bénéficiait d’aucune autorisation». Celle-ci aurait été délivrée par l’un des trois cadres de la police soupçonnés d’avoir transmis à Alexandre Benalla des images de vidéosurveillance tournées au moment des faits et mis en examen dimanche pour «violation du secret professionnel» et «détournement d’images issues d’un système de vidéoprotection», sans que la hiérarchie ne soit prévenue.
Pour autant, le préfet de police de Paris Michel Delpuech avait assuré lors de son audition lundi qu’il n’y avait «aucune raison de le refuser à un collaborateur de l’Elysée».
Qui les sollicite ?
«Des chercheurs, sociologues par exemple, des journalistes, des magistrats ou des parlementaires qui veulent se rendre compte de comment fonctionnent et travaillent la BAC ou les CRS», explique Denis Jacob.
Le 15 mai, le député La France insoumise Ugo Bernalicis postait ainsi sur Twitter une photo de lui «pendant le service de nuit pour mieux comprendre les enjeux de sécurité et de prévention avec les gendarmes de la Gendarmerie Nord».
En revanche, le syndicaliste explique que «c’est la première fois» qu’il entend parler d’un observateur issu du cabinet présidentiel. Un ancien conseiller de François Hollande à l’Elysée, interrogé par Europe 1, assure cependant que «dans les préfectures, il arrive fréquemment que le directeur de cabinet du préfet ou un fonctionnaire chargé de la sécurité fasse des rondes avec la BAC, par exemple».
Quelles sont les règles ?
Elles sont informelles. «C’est un usage, explique Denis Jacob. Ça fait des années que ça existe et ça s’est toujours très bien passé, les gens sont responsables, il y a un rapport de confiance donc il n’y a jamais eu de nécessité d’écrire des règles noir sur blanc.» Dans la pratique, il existe tout de même un cadre. «Quand bien même il avait une autorisation, il ne pouvait pas se permettre ce qu’il a fait, on ne peut pas aller et venir où l’on veut. L’observateur est sous la responsabilité d’un référent de police qui l’accompagne partout et lui rappelle qu’il ne peut ni agir ni intervenir.»
Interrogé dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire, le préfet de police de Paris a également expliqué que «ce n’est pas la place d’un observateur que de vouloir faire lui-même le maintien de l’ordre». Il doit «rester à sa place, en retrait».
Preuve du flou qui entoure ce rôle, Gérard Collomb, lors de sa propre audition lundi, avait assuré avoir «demandé à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) de préciser quelles sont les règles pour l’accueil et l’encadrement de ces observateurs et s’il en existe, de vérifier dans ce cas précis qu’elles ont été mises en œuvre».
Marie-France Monéger-Guyomarc’h, directrice de l’IGPN a de son côté plaidé pour «donner non pas un statut mais un rôle aux accompagnants des observateurs, pour qu’ils aient la légitimité d’accompagner des observateurs et ne pas simplement être chauffeur ou ouvreur de porte».
Le matériel
Sur les vidéos, Alexandre Benalla arbore un casque frappé de l’écusson CRS ainsi qu’un brassard de police et un talkie-walkie.
«Quand on a des gens à l’intérieur d’un dispositif qui ne sont pas des policiers, on les protège avec le matériel que l’on a», a expliqué sur Europe 1 Jean-Michel Fauvergue, député LREM et ancien patron du Raid. Une explication qui peut valoir pour le casque, mais pas pour le brassard ni la radio. «Certaines personnes jugent qu’il faut que les observateurs soient identifiés "police" pour ne pas être confondu avec des manifestants par exemple, explique Denis Jacob. Mais s’ils sont accompagnés d’un référent, ce n’est pas nécessaire.» Ugo Bernalicis, le député cité plus haut, portait en effet un brassard «gendarmerie».
Mais l’argument n’explique pas la radio en possession du chargé de mission. «A qui parlait-il ?» interroge Denis Jacob. Le parquet de Paris a d’ailleurs ouvert une enquête pour «usurpation de signes réservés à l’autorité publique»…