18 janv 2019
Le Défenseur des droits Jacques Toubon a demandé ce jeudi la suspension du recours aux lanceurs de balles de défense (LBD), en raison de la "dangerosité" de ces armes dont l'utilisation par les forces de l'ordre fait polémique.
L'usage de ce type d'armes de maintien de l'ordre est décrié après que de nombreux manifestants ont été blessés, parfois grièvement au visage, lors de manifestations de "gilets jaunes" ces dernières semaines.
Concernant ces armes dites de "force intermédiaire" que sont les LBD 40x46 mais aussi les grenades lacrymogènes et assourdissantes GLI-F4, Jacques Toubon a appelé le gouvernement à "prévenir plutôt que soigner".
"Annulons le risque qui existe de dangerosité de ces armes en suspendant leur utilisation", a-t-il déclaré en marge de la présentation à la presse d'un rapport sur la dématérialisation des services publics.
Il avait déjà préconisé, dans un rapport remis il y a presque un an jour pour jour, l'interdiction de l'usage des LBD, mettant en évidence à l'époque les "risques disproportionnés" qu'ils font courir.
"L'usage du LBD se fait dans des conditions de violences extrêmes, jamais connues à ce jour, de la part de casseurs et de personnes radicalisées dont le seul objectif est de blesser voire de tuer des policiers et des gendarmes", a réagi le syndicat Alternative Police CFDT, dénonçant "avec force" les propos de M. Toubon. "Par contre, les munitions sont peut-être à revoir dans leur calibrage de puissance à l'instar de ce qui se pratique dans certains pays d'Europe", a nuancé le syndicat.
La Cour européenne des droits de l'Homme a rejeté l'interdiction de l'utilisation en France
Il estime aussi que "la nouvelle stratégie de maintien de l'ordre par un contact direct avec les manifestants impose aussi de doter les policiers de nouveaux moyens non létaux", notamment des "armes de marquage par ADN synthétique, indélébile pendant plusieurs mois, qui permettraient, dans le cadre d'une enquête judiciaire, d'identifier, d'interpeller et de déférer à la justice les auteurs de violences et pourrait avoir avant tout un but dissuasif."
"Ce que l'on voit aujourd'hui parfois dans les manifestations, ce sont des émeutes" explique à l'AFP Ludovic Jacquinet, chef du pôle doctrine à la Direction générale de la police nationale (DGPN).
"Ce qui fait qu'on utilise le LBD aujourd'hui trouve son origine dans les violences urbaines", précise-t-il.
Il y a trois ans, le LBD a remplacé le "Flash-Ball" au sein de la police nationale, qui en possède aujourd'hui 4.000.
La puissance de ces munitions est de 160 joules (10 fois la puissance d'un paintball) pour un impact à 30 mètres.
Les munitions de ces armes sont des balles de caoutchouc de 40 mm de diamètre (légèrement plus petites que celles des anciens "Flash-Ball"). Les LBD dont sont dotés les CRS ont une portée de 10 à 50 mètres alors que ceux utilisés par les commissariats de 3 à 30 mètres.
Le LBD, contrairement au "Flash-Ball", est équipé d'une aide à la visée réglée en armurerie. "Cette aide à la visée épaulée permet de tirer les deux yeux ouverts et de voir l'environnement", souligne François Trinta, instructeur de tir de la police nationale.
"Il y a toutefois un problème avec nos casques", tempère une source policière. "Dans des commissariats, les visières ne sont pas adaptées, on doit tirer sans l'appui épaule ou relever la visière pour tirer au risque d'avoir du gaz lacrymo dans les yeux".
"Le LBD peut être utilisé dans différents types de cas: si des personnes portent atteinte à l'intégrité physique d'autres et lors de la dispersion d'un attroupement lorsque des voies de faits sont commises", rappelle un responsable de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Il n'y a pas de distance minimale pour tirer, tout dépend de "l'estimation de la menace".