Alternative police-CFDT annonce, mardi 10 septembre 2019, avoir présenté son "livre blanc" aux services du Premier ministre.Dans le document, l’organisation syndicale formule des propositions pour lutter contre les suicides et "répondre à la problématique des conditions de travail". Le texte contient en outre des mesures liées au recrutement et à la formation des agents, à la réforme des retraites ou encore à l’organisation du temps de travail. Le syndicat livre ses pistes de réflexion pour la police nationale en vue de la future "loi de programmation".
Voici les principales propositions du syndicat de gardiens de la paix Alternative police-CFDT
Organisation. Alternative police revendique la création "d'une seule et unique direction de l’investigation ainsi que du renseignement" au sein de la police nationale, dans un objectif de "lisibilité, de transversalité et de nomenclature". "Nous sollicitons un rattachement de la DRPJ Paris à la DCPJ ainsi que le rattachement de certains services de la DRPP auprès de la DGSI."
Retraite des policiers. Concernant la retraite des policiers, le syndicat demande un "parallélisme" avec le système appliqué aux gendarmes. Ces derniers "ont la possibilité de quitter leur institution avec une pension mensuelle dès lors qu’ils comptabilisent 17 ans de service", rappelle-t-il, contrairement aux policiers qui traitent pourtant "près de 80 % du volume de délinquance sur le territoire national".
L’organisation conseille en outre de déplafonner la bonification dite du "1/5e", jugeant nécessaire de "faire évoluer les droits à la retraite des fonctionnaires de police notamment par une augmentation du nombre de bonifications à hauteur de sept annuités compte tenu de l’allongement de la durée de cotisation". Pour rappel, les syndicats de police avaient dénoncé, en juillet 2019, les préconisations de Jean-Paul Delevoye concernant les retraites des policiers.
Elle préconise également la mise en œuvre de mesures supplémentaires pour les travailleurs de nuit et la création d’un compte épargne retraite, afin de transformer tout ou partie du stock d’heures supplémentaires impayées.
Procédure pénale. Faisant part de leur déception quant aux réformes successives de la procédure pénale depuis 2001, les représentants syndicaux demandent "la dématérialisation totale de la procédure", "le transfert dans le code de procédure pénal des pouvoirs coercitifs administratifs de l’état d’urgence", un nouveau logiciel de rédaction, l’étude d’une plateforme de garde à vue ou encore le "refus d’accorder aux avocats l’accès total à la procédure".
Organisation du travail. L’arrêté portant organisation relative au temps de travail () est un "chiffon par lequel les policiers sont rendus, plus que jamais, corvéables", estime le syndicat. Il demande à l’administration un "engagement solennel" sur les mesures d’accompagnement social et de santé, dans le cas où la vacation de 12h08 devenait le "cycle de référence" à l’issue de l’expérimentation qui doit être lancée le 15 septembre 2019.
Il "exige" en outre l’application de la réforme territoriale de la sécurité publique, afin que "le plus grand nombre bénéficie enfin de la vacation forte". Cette réforme avait été validée en octobre 2015
Alternative police propose également de mettre en œuvre une "indemnité pour absence opérationnelle", attribuable en compensation des déplacements et missions des agents hors de leur lieu de résidence, et versée à l’ensemble des directions.
Risques psychosociaux. Le syndicat "son opposition à toute rémunération relative à l’atteinte d’objectifs chiffrés", estimant que cette pratique conduit à "des dérives managériales, débouchant sur des pressions statistiques".
Alternative police recommande également, dans le cas d’un suicide d’un policier, de déléguer l’enquête à l’inspection du travail. L’organisation demande également que les consultations des psychologues du service de soutien psychologique opérationnel puissent se faire en dehors des locaux de police. Par ailleurs, elle recommande de "faire apparaître dans le bilan social de la police nationale les chiffres des divorces et des séparations", estimant que ce dispositif permettra d’obtenir "une réflexion objective sur l’organisation du travail dans la police nationale".
Vie personnelle. Alternative police propose la mise en place d’un "congé événement", qui permet au policier d’assister, par exemple, à l’anniversaire de ses proches, "avec la garantie de ne pas être rappelé". Le congé devra être signalé trois mois avant l’échéance. Afin de pallier l’absence des agents, l’organisation préconise de faire appel aux réservistes civils de la police nationale.
Elle propose également de revaloriser le dispositif d’aide à la garde d’enfants, qui est actuellement plafonné à "300 euros seulement par an et par enfant". Il s’agit notamment de compenser le surcoût de la majoration tarifaire de nuit et des week-ends.
Sécurité des agents. L’organisation revendique "la dotation de divers matériels ou de dispositifs" à la lumière "de situations qui se sont produites et qui ont gravement mis en danger les policiers". Elle demande notamment la "mise en œuvre automatique de la protection fonctionnelle pour toute accusation mensongère à l’encontre des policiers ainsi que pour les convocations en audition libre". Alternative police préconise également de généraliser le port de la cagoule pour les effectifs des BAC et des unités intervenant sur une mission en lien avec la lutte contre le terrorisme.
Elle requiert également l’indication des agents par leur matricule "RIO" sur les procédures, et juge nécessaire de respecter le nombre minimal de trois fonctionnaires par équipage de police-secours. Par ailleurs, le syndicat demande à la place Beauvau de passer une convention avec les concessions autoroutières "afin de tendre à la gratuité des péages sur les tronçons autoroutiers empruntés sur le trajet travail/domicile".
Primes et récompenses. Alternative police recommande la suppression de la prime de résultats exceptionnels, qu’il qualifie de "prime au mérite". Selon le syndicat, cette prime, qu’il évalue à 25 millions d’euros par an, "laisse supposer qu’une partie des effectifs est méritante et que l’autre ne l’est pas".
Il demande par ailleurs la "défiscalisation totale de l’Ijat", qui doit être "revalorisée régulièrement et indexée sur l’inflation", ainsi que la défiscalisation des heures supplémentaires. "Il faut planifier une réelle revalorisation de cette indemnité car les heures supplémentaires effectuées sur le terrain nous sont imposées."
"Les gendarmes se voient attribuer beaucoup plus de récompenses et de médailles que les policiers", constate en outre l’organisation. "La hiérarchie policière doit faire preuve d’autant d’estime à l’égard de ses hommes."
Recrutement et formation. Alternative police propose la création d’une académie de police "avec des troncs de formation communs", par exemple en matière d’armement, "et où les stagiaires, qu’importe leur grade, seront sans signe distinctif de grade et de corps pour que s’instaure un réel esprit de cohésion".
Le syndicat préconise également la signature d’une convention avec la Fédération française de tir, afin que "les effectifs de police puissent se perfectionner et tirer avec leur arme administrative dans les stands privés". Ce type de convention a été passé entre la gendarmerie nationale et la fédération, rappelle-t-il.
Immobilier. "Beaucoup de commissariats et services de police sont dans un état pitoyable et innommable", rapporte l’organisation. Elle demande la mise en place d’un "audit exhaustif", qui devra "passer au crible tous les locaux de police du territoire métropolitain et ultramarin afin d’avoir une visibilité sur l’état des locaux, de chiffrer et de prioriser les travaux". Et d’estimer que le plan triennal présenté par le ministère de l'Intérieur en janvier 2018 est "loin du compte"
Carrière. La carrière des gradés et gardiens "a connu un ralentissement sans précédent avec des délais de passage de grade qui se sont considérablement allongés et qui présentent de grandes disparités selon la zone d’affectation", observe l’organisation. "Le rapport du médiateur de la police nationale de 2017 démontre clairement l’attente particulièrement longue pour obtenir un avancement", rappelle-t-elle (). Et de juger que le protocole de 2016 est "mal pyramidé".
Alternative police propose par conséquent "un avancement automatique aux grades de brigadier et de brigadier-chef" et un "avancement semi-automatique accéléré" pour les OPJ. Le syndicat constate en effet une "une infantilisation" des OPJ du corps des gradés et gardiens, et dans le même temps, une "responsabilisation" des agents de ce corps lorsque survient un incident.
Promotion et évolution. Le syndicat "exige que soient appliqués les mêmes ratios recrutement interne/recrutement externe d’officiers pour la gendarmerie nationale et dans la police nationale". "En 2018, seuls quatorze postes d’officiers de police ont été ouverts au titre du recrutement interne et 18 l’ont été par le biais de la VAP", observe-t-il, alors que dans le même temps, "273 postes ont pu être ouverts" dans la gendarmerie. "Cette différence de ratios est incompréhensible".
L’organisation demande également la possibilité, pour les agents ayant au moins 17 ans d’ancienneté, de quitter la police nationale avec une pension, "sous réserve d’entrer dans une autre administration ou de bénéficier d’une promesse de CDI dans le secteur privé". Elle évoque également l’ouverture de "passerelles interministérielles pour les métiers de catégorie équivalente" ou encore "l’ouverture de la passerelle police/gendarmerie" pour certains grades.