Le 24 novembre 2018, les Lyonnais peuvent déambuler tranquillement sur la Presqu’Île. Commencée sur les ronds-points et
aux péages d’autoroutes, la mobilisation des Gilets jaunes peine à mobiliser à Lyon. Mais la semaine suivante, le 1er décembre, les premières tensions apparaissent place Bellecour.
Éberlués, les Lyonnais chargés de leurs achats de Noël assistent à des affrontements entre policiers et manifestants. Pendant que les commerçants grincent les dents, les badauds sortent leurs portables pour saisir ces scènes inédites. C’est le début. Personne ne s’imagine alors qu’elles se répéteront invariablement et avec une violence accrue toute l’année chaque samedi.
Ce mouvement va alors poser un défi aux forces de l’ordre.
Mobilisées dans tout le département, elles doivent aussi sécuriser le centre de Lyon et cela de façon hebdomadaire. Les unités mobiles sont débordées. Il faut faire appel aux policiers des commissariats, à des unités en civil comme les GSP (groupes de sécurités de proximité), les BAC pour tenir la cadence et même aux GOM (groupe opérationnel mobile) de la police municipale.
« Leur tactique, c’était la dispersion pour semer la zizanie »
Sur le terrain, les forces de l’ordre font face à des Gilets jaunes dont la plupart n’ont jamais battu le pavé et à des éléments bien plus
aguerris aux manifestations et recherchant l’affrontement. Deux mondes. Dans les cortèges, c’est la pagaille. Quand la majorité suit le parcours défini, des groupes prennent la tangente. « Leur tactique, c’était la dispersion pour semer la zizanie, analyse M., un CRS lyonnais. Au départ, on ne mettait pas systématiquement des collègues dans les rues parallèles. On a dû s’adapter, positionner des équipages en civil et quadriller la ville pour bloquer les rues en amont. » Autre difficulté : le manque de coordination entre les mobiles et leur hiérarchie : « Il y a eu un gros moment de flottement au niveau des ordres. On ne savait pas s’il fallait charger, contenir ou filtrer. On pouvait avoir trois ordres différents en quelques minutes ! Les décisionnaires faisaient dans des projections sauf que les manifestants ne suivaient pas le parcours défini ! Ils ont été dépassés. »
Le discours est tout aussi sévère pour cet autre CRS. François Nedelec est délégué zonal Alternative Police CFDT : « Entre les directives de personnes devant des écrans et la réalité de terrain, il y a un fossé. Notre métier, c’est de réagir sur l’instant. Les ordres n’étaient pas assez rapides. L’autre problématique, c’est qu’on ne se servait pas de nos techniques d’intervention pour des raisons politiques. La fumée place Bellecour, les CRS qui chargent, ce n’est pas bon médiatiquement. Du coup, on pouvait avoir une centaine de Black Blocs en tête de cortège. On laissait faire alors qu’on aurait pu les séparer des autres. Aujourd’hui, on absorbe des violences qu’on n’aurait pas si on employait les moyens voués au maintien de l’ordre. On nous muselle ! »