05 nov 2018
Le secrétaire général d’Alternative police-CFDT répond aux questions d’AEF info dans le cadre d’une série d’interviews réalisées en vue des élections professionnelles, qui se dérouleront du 30 novembre au 6 décembre 2018 dans la police nationale. "Nous nous trouvons aujourd’hui devant trente ans d’alternance syndicale", relève-t-il. "À force de promesses sans réalisations, en privilégiant l’individualisme et le clientélisme, les représentants du personnel se détournent du vrai syndicalisme". Denis Jacob indique que l'objectif de la CFDT est d'obtenir un deuxième siège en comité technique ministériel.
AEF info : Dans quel état d’esprit le syndicat Alternative police-CFDT aborde-t-il les élections professionnelles dans la fonction publique de décembre 2018 ?
Denis Jacob : Nous sommes sur un petit nuage. Nous avons déposé la grande majorité de nos listes. Nous serons présents sur plus de 75 % des départements au niveau des comités techniques. Nous déplorons l’absence de représentants dans certains départements où nous n’avons pas suffisamment d’implantation. Concernant la commission administrative paritaire, nous avons des listes sur toutes les régions administratives de France métropolitaine et d’outre-mer.
Nous étions partis du principe que nous ne déposerions pas de liste pour les CRS, car nous estimions ne pas être suffisamment implantés. Finalement, depuis septembre, nous avons eu beaucoup de ralliements, nous serons donc présents sur des listes complètes en CAP CRS et en comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des CRS. Même chose concernant la DGSI, les services centraux du ministère de l'Intérieur. Globalement, nous sommes partout, ce qui est très historique pour la CFDT.
En 2014, la CFDT faisait 311 voix chez les gradés et gardiens, avec très peu de listes déposées. Nous sommes désormais présents sur presque tous les périmètres du territoire national. Nous sommes en ordre de marche, avec des bataillons partout sur le terrain, et c’est satisfaisant. Avec les remontées que nous avons, nous sommes confiants sur le fait que nous serons dans le paysage syndical représentatif après le 6 décembre.
AEF info : S’agit-il justement de l’objectif de votre organisation pour ce scrutin ?
Denis Jacob : L’objectif est double. La CFDT est déjà représentative au ministère de l'Intérieur, puisqu’elle a un siège en comité technique ministériel. Le but est d’en avoir un deuxième. Nous avons peu d’inquiétude à ce sujet, car nous avons besoin de très peu de voix par rapport à 2014 pour obtenir ce deuxième siège. La CFDT est particulièrement représentative en préfectures. Le score que fera Alternative dans le périmètre police permettra d’obtenir les voix supplémentaires pour obtenir ce deuxième siège.
Nous souhaitons également obtenir un siège au comité technique de réseau de la police nationale, qui concerne uniquement le périmètre police. Au vu de notre représentativité, cela devrait être facilement jouable. Concernant la CAP nationale, nous sommes optimistes, mais la proportion de voix à obtenir est beaucoup plus importante que sur le périmètre des comités techniques. Mais une grande majorité des représentants en régions sont, d’après leurs projections, confiants quant à l’obtention d’un, de deux, voire de trois sièges en commission administrative paritaire interdépartementale. Ces scores régionaux devraient se vérifier en instance nationale.
AEF info : Quelles sont les thématiques les plus urgentes pour votre corps ?
Denis Jacob : Nous souhaitons un véritable état des lieux de la police nationale en matière de conditions de travail, comme l’a fait la commission d’enquête sénatoriale sur l’état des forces de sécurité intérieure, que nous avions demandée. Nous souhaitons que ce rapport soit pris en compte par le gouvernement, et mis en application, notamment concernant le plan pluriannuel de rénovation et de réhabilitation des commissariats. À l’heure actuelle, nous n’avons aucune visibilité sur l’état des commissariats et le coût de rénovation.
Nous souhaitons également une réflexion sur les matériels, les équipements et le parc automobile. Les choses ont commencé à s’améliorer sur ces points, mais il faut aller beaucoup plus loin. Nous portons également la problématique du temps de travail des policiers, à savoir l’application de la directive européenne sur le temps de travail et le repos minimal de onze heures entre deux vacations que la CFDT avait d’ailleurs porté auprès de la Commission européenne. Nous déplorons que le lobbying des autres syndicats ait déjà reporté l’étude des textes à deux reprises. Nous demandons également l’application de la vacation forte dans certains grands centres, concomitamment avec la mise en œuvre de la réforme territoriale de la sécurité publique, votée il y a trois ans en comité technique. Nous estimons par ailleurs que la réforme de la procédure pénale, actuellement en chantier, ne va pas assez loin, notamment concernant l’oralisation de la procédure.
Tous ces points se retrouvent dans un livret thématique que nous avons élaboré, et qui nous fait sortir de l’habituel catalogue à la Prévert tous les quatre ans, à chaque élection professionnelle. Ce document d’une trentaine de pages tourne autour de l’épanouissement des policiers au travail, pour une police nationale plus efficace et opérationnelle. Il devrait sortir au début du mois de novembre. L’objectif est de dresser un portrait de la situation actuelle, de souligner les choses qui vont et celles qui vont moins bien, et de réfléchir à ce que nous pouvons proposer à nos collègues.
Nous ne souhaitons pas partir sur un cahier revendicatif axé sur le salarial, parce que nous ne voulons pas nous contenter de faire des promesses en l’air comme les autres syndicats. Même si nous agirons sur l’aspect financier dans le cadre d’un dialogue social à venir, la dimension salariale ne dépend en effet pas du ministère de l'Intérieur, mais bien souvent de Bercy et de l’arbitrage du Premier ministre. Nous partons donc sur des revendications réalistes et réalisables, sur la base de la volonté ministérielle. Cela tourne principalement autour des réformes de structure de la police nationale, des missions et des conditions de travail.
AEF info : Selon vous, pourquoi les policiers devraient-ils voter pour votre organisation ?
Denis Jacob : Nous nous trouvons aujourd’hui devant trente ans d’alternance syndicale. À force de promesses sans réalisation, en privilégiant l’individualisme et le clientélisme, les représentants du personnel se détournent du vrai syndicalisme. Voter pour Alternative permet un renouveau syndical, et non pas la stagnation et l’attentisme de ces dernières années. Nous apportons un nouveau souffle dans la pratique du syndicalisme, par la défense du collectif. C’est ce qui nous différencie des autres organisations.
AEF info : Christophe Castaner a succédé à Gérard Collomb au poste de ministre de l'Intérieur, Laurent Nunez ayant été nommé secrétaire d'État. Que pensez-vous de ces nominations ?
Denis Jacob : Lors de l’annonce de la démission de Gérard Collomb, nous avions lancé un appel au gouvernement à nommer un homme fort connaissant bien l’institution police ou la nomination d’un binôme avec un technicien de la police capable d’appréhender immédiatement les problèmes internes et les enjeux de sécurité afin d’orienter le ministre de l'Intérieur vers les bonnes décisions. La deuxième option a été choisie et nous n’avons pas d’a priori défavorable. Nous jugerons sur les actes à venir. Les policiers ont une attente forte de soutien, de reconnaissance, de réponses à leurs préoccupations et aux difficultés auxquelles ils sont confrontés quotidiennement.
Laurent Nunez a un parcours dans la police nationale qui lui offre toutes les compétences et toute la capacité d’assurer ce rôle de parfait technicien et de maîtrise des situations, y compris celles de crises auxquelles notre pays pourrait encore être confronté, mais également la sécurité que nous devons à nos concitoyens dans le cadre de la mise en œuvre de la police de sécurité du quotidien. Nous espérons que ce nouveau binôme ministériel sera à la hauteur de l’espoir des policiers d’être entendus et cela ne peut se réaliser que par un management participatif.
Par Raphaël MARCHAL, Dépêche 594041 reproduit avec l’aimable autorisation de www.aef.info