Bataille syndicale ou sale guerre ? Alors que les élections professionnelles se profilent, l’un des détachés d’Unité SGP Police au bureau national a été condamné pour « usurpation d’identité » et « atteinte à l’honneur et à la considération » via un faux compte Facebook. Son syndicat a été déclaré civilement responsable. Dans un jugement rendu le 13 juin, le tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine) dénonce une tentative de déstabilisation au détriment de deux organisations concurrentes.
Le coup de billard à trois bandes remonte à l’automne 2016 lors de la fronde des policiers. En colère, la base descend dans la rue et déborde ses représentants. En décembre, un brigadier-chef en poste à la direction centrale de la police judiciaire, Pierre G., s’étrangle en découvrant une page Facebook à son nom. Celle-ci mentionne sa qualité de policier et affiche son soutien aux manifestants… Seul problème : Pierre G. n’a jamais créé ce compte. Le brigadier-chef, par ailleurs délégué d’Alternative police (CFDT), dépose plainte le 12 décembre 2016 pour usurpation d’identité.
La « police des polices » remonte facilement le fil informatique et fait une drôle de découverte. L’ordinateur ayant servi créer la page incriminée se trouve à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) dans le bureau national… d’Unité SGP, concurrent d’Alternative et affilié à une confédération rivale : FO (Force Ouvrière).
Son utilisateur, un brigadier chargé de la communication pour la province, passe aux aveux. Il a bien créé ce faux compte pour lâcher des informations « en restant anonyme et en faisant croire à la publication d’un policier », selon le jugement. Mais il conteste avoir choisi l’identité de son collègue du syndicat d’en face. Le prénom « Pierre », explique-t-il, a été emprunté à son voisin de bureau. Quant au patronyme, « G. », ce serait un hommage à son chanteur préféré. Au passage, la justice découvre que le faux compte devait aussi diffuser des informations sur une troisième organisation représentative, Alliance, et sur son secrétaire général. Joli panier de crabes.
Entendu à son tour, Yves Lefebvre, le patron d’Unité SGP, conteste avoir donné l’ordre de mener une opération clandestine mais reconnaît avoir demandé que des informations soient diffusées via les réseaux sociaux plutôt que par voie syndicale. Il regrette, dit-il, de ne pas avoir donné de consignes suffisamment précises.
Les juges ont rendu une décision sévère sur la forme : ils dénoncent une volonté de « décrédibiliser » et de créer « la zizanie entre ces deux syndicats concurrents d’Unité SGP police ». Le nom choisi pour la page Facebook, estiment-ils, ne doit rien au hasard et « signe l’intention de nuire sans être exposé ». Le chargé de communication écope d’une amende de 1000 euros avec sursis, condamnation dont il a fait appel.
Joint par notre journal, Yves Lefebvre reconnaît une « faute incontestable » et s’en veut « de ne pas avoir vérifié que le nom existait réellement », mais dénonce « le mauvais réflexe » d’avoir porté l’affaire en justice. « Sans bonnes pratiques, prévient de son côté Denis Jacob, le patron d’Alternative, le syndicalisme policier sera mort dans dix ans. »