20 mars 2020
Les policiers manquent de masques : « Quand on fait la guerre, on prend des mesures d’urgence »
Le ministère de l’Intérieur n’a toujours pas autorisé les forces de l’ordre à porter des masques de protection lors des contrôles. A cause de la pénurie ? Un appel d’offres vient d’être lancé, dont le résultat est attendu à partir du… 6 avril.
C’est une note de service adressée ce jour par la Direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône à l’ensemble des services. Son objet : « responsabilité personnelle en cas d’obtention de masques de protection hors réseau identifié ». La missive fait suite à une rumeur non-fondée ayant circulé dans le département sur un possible approvisionnement des policiers locaux en masques de la part des sapeurs-pompiers.
« Je saisis cet épisode pour alerter chacun sur le risque qu’il encourt sur le plan déontologique voire pénal en obtenant de réseaux non identifiés ou de personnel provenant l’administrations et de services prioritaires des masques en dehors du canal hiérarchique de ces services », écrit le directeur départemental sur un ton autoritaire.
Et ce dernier de poursuivre : « Ma dernière note permet la distribution de masques FFP2 ayant dépassé les dates d’utilisation en attendant que les chaînes de production alimentent les forces de sécurité ». Les policiers locaux ont donc le choix entre du matériel ayant dépassé la date de péremption ou des sanctions. « La hiérarchie préfère l’utilisation de masques périmés plutôt que ceux, neufs, donnés par d’autres administrations, grince un syndicaliste policier du cru. On marche sur la tête »
Colère et incompréhension
Jusqu’à présent, une certaine inquiétude régnait dans les rangs des policiers envoyés en première ligne pour faire respecter les mesures de confinement.
Désormais, celle-ci se double d’incompréhension, voire de colère par rapport aux positions du ministère de l’Intérieur et de la hiérarchie policière, rétifs au port des masques lors des contrôles et dans les commissariats, sauf en cas de nécessité absolue. Sur ce sujet, Beauvau fait l’unanimité contre lui.
« Ils croient que nous sommes immunisés ? » : l’inquiétude des policiers face au coronavirus
« On nous demande de ne pas porter de masque mais on peine à nous expliquer pourquoi », regrette Denis Jacob, le secrétaire général d’Alternative Police CFDT. Dans les Yvelines, des policiers s’étonnant de ne pouvoir porter des masques, ce sont vu répondre par leur direction que cela pouvait avoir un effet « anxiogène » sur les citoyens contrôlés.
Un appel d’offres, mais trop tard
Parmi les forces de l’ordre, beaucoup considèrent que la position du ministère serait en réalité destinée à occulter une embarrassante réalité : la pénurie de masques et de matériel de protection due à l’absence d’anticipation et de préparation de l’Etat. « La situation est la même chez les gendarmes et les
douaniers », affirme Denis Jacob. 307 000 masques seraient actuellement mis à disposition des policiers sur tout le territoire. Ce qui est peu au vu des 100 000 fonctionnaires et gendarmes mobilisés. Qui plus est cette réserve est soumise aux vieilles rivalités. « Il semble qu’il y ait un problème de répartition entre la DGPN et la Préfecture de police », avance un syndicaliste. Au-delà des masques de protection, le manque criant de matériel se fait aussi sentir sur les gants et les produits d’entretien.
Un appel d’offres a d’ailleurs été lancé jeudi en urgence par le ministère de l’Intérieur pour l’acquisition de deux millions de masques ainsi que des lingettes, du gel hydroalcoolique et des gants. Seul problème : les entreprises candidates ont jusqu’au 6 avril pour déposer leur dossier. Il faudra ensuite choisir le candidat et lancer la fabrication. « Autant dire que nous ne sommes pas près d’en voir la couleur », considère Denis Jacob. Il s’agit pourtant d’une procédure simplifiée et accélérée. « A sept reprises, le président a utilisé le mot « guerre » dans son discours. Si nous sommes en « guerre », on prend des mesures d’urgence, on ne fait pas des appels d’offres. Pourquoi pas réquisitionner des entreprises par exemple ? ».
En attendant des masques qui n’arrivent pas, et l’autorisation de les porter qui se fait attendre, les policiers s’organisent comme ils peuvent. « Quand vous êtes une équipe de trois policiers, un seul va contrôler la personne ou le véhicule, les deux autres restent en retrait. Le contrôle des attestations se fait de loin. ll est demandé aux policiers de ne pas prendre la feuille de papier dans la main. Seulement de la regarder de loin. Dans les voitures, les automobilistes montrent le document sans ouvrir la vitre », explique une source policière. Drôle de guerre…