Le 16 mars à Paris. Le ministre de l’Intérieur a annoncé lundi soir le déploiement de 100 000 policiers et gendarmes pour garantir les restrictions de circulation. AFP/Lionel Bonaventure
Comment contrôler de façon accrue les déplacements des Français? Telle est la question qui se pose après l'allocution du président Emmanuel Macron qui, sans jamais prononcer le mot « confinement », a annoncé hier soir des mesures qui y ressemblent fortement : « A partir de [ce mardi] 12h, nos déplacements seront fortement réduits. Les regroupements extérieurs, amical ou familial, seront interdits. »
C'est finalement Christophe Castaner qui, vers 22 heures, a lâché le mot qui semble rebuter le chef de l'Etat : « Le mot d'ordre est clair, il s'agit de mesures de confinement sur le modèle de nos voisins italiens et espagnols ». Et le ministre de l'Intérieur d'annoncer le déploiement dans la soirée de 100 000 policiers et gendarmes pour garantir les restrictions de circulation. Avec à la clé, des points de contrôles « fixes et mobiles » sur les « axes principaux mais aussi secondaires ».
Une forme « d'improvisation »
Il n'empêche : malgré les déclarations martiales du chef de l'Etat et de son ministre, les forces de l'ordre étaient nombreuses ce lundi à dénoncer une forme « d'improvisation ». Ni la direction générale de la police nationale, ni la gendarmerie, ni la préfecture de police de Paris (PP), n'avaient été mises au courant des modalités du confinement, qu'ils vont devoir appliquer en un temps record pour des millions de Français. « On attend les consignes, confiait ce lundi après-midi un cadre de la PP. On sait qu'on va devoir patrouiller et verbaliser mais à part cela, c'est une première pour nous. »
Concrètement, chaque personne qui sort de son domicile devra être en mesure, après avoir rempli une attestation sur l'honneur téléchargeable en ligne, de justifier son déplacement par une impérieuse nécessité : courses aux supermarchés, rendez-vous médicaux, visite à un proche malade… même promenade du chien. En Espagne ou en Italie, on ne compte pas autant de dérogations. Certaines professions - les soignants ou les journalistes par exemple - pourront circuler grâce à leurs cartes professionnelles.
L'objectif est clair : faire cesser ces images insupportables de Parisiens s'agglutinant dans les parcs ou sur les quais par simple désir de profiter du soleil. Les récalcitrants s'exposent désormais à une contravention de 38 euros, laquelle devrait être rehaussée prochainement à 135e. On est encore loin de l'arsenal répressif italien qui prévoit une amende de plus de 200e et… une peine de trois mois de prison! « Le schéma est un cran au-dessous de ce qui était prévu » reconnaît un préfet. « Mais le gouvernement avec ce schéma, se réserve la possibilité de redonner un coup de vis si la situation ne s'améliore pas ». « On va surtout reconduire chez elles les personnes qui ne respectent pas le confinement. L'idée n'est pas de les interpeller, appuie un commissaire. L'activité judiciaire est au ralenti déjà »
Ni armée, ni couvre-feu
Contrairement à une rumeur qui a circulé, l'armée ne sera pas sollicitée pour renforcer les points de contrôles et aucun couvre-feu ne sera instauré. « Notre objectif n'est pas de sanctionner, mais d'appeler à la responsabilité de tous », a plaidé Christophe Castaner. Mais les 100 000 forces de l'ordre mobilisées, en première ligne face à la crise, seront-elles suffisantes pour faire respecter les consignes ? A voir. D'autant qu'un point inquiète policiers et gendarmes : les protections…. « On a fait le choix de ne pas donner de matériel de protection aux agents. C'est un vrai scandale. : il n'y a aucune anticipation, ni aucune préparation à la situation sur le terrain », fustige ainsi Denis Jacob, secrétaire général du syndicat Alternative Police.
En début d'après-midi, Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale (DGPN), a adressé à tous ses directeurs un courrier sibyllin dans lequel il rappelle sa « confiance dans la capacité de la police nationale à relever ce nouveau défi », la crise sanitaire, et exhorte ses directeurs à « tout mettre en œuvre pour limiter la propagation du virus Covid-19 dans les services ».